DE L’ANTERIORITE DU CHIISME DANS LE MALI ANCIEN

5231 2017-09-04

MALI, VIEILLE TERRE D’AHLOUL BAYT

En 1960, année de son indépendance le Mali actuel hérita des principaux centres religieux du Mali ancien : Tombouctou, Djenné, Dia, Nioro, Nara, Banamba, Hombori, Ségou, etc.

Dans un des nombreux écrits du Cheikh Ahmed Baba de Tombouctou, il a été relevé que le célèbre savant affirmait que, déjà en l’an 60 de l’Hégire, le Bled –es-Soudan (littéralement le ‘’Pays des Noirs’’), qui sera plus tard connu sous l’appellation du Soudan occidental devenu Soudan français (actuel Mali), comptait douze mosquées. Pour qui sait que les massacres de Karbala ont eu lieu en l’an 61 de l’Hégire, il est facile d’admettre que l’Islam de ces temps-ci au pays des Noirs était pour le moins nourri du savoir originel constitué par les précieux enseignements tirés du Trésor spirituel des AhloulBaït (as), ces nobles descendants du Prophète de la religion musulmane.

L’indication donnée par le Cheikh Ahmad Baba laisse évidemment à penser que l’Islam a vite pénétré l’Afrique noire, puisque le grandiose martyre de l’Imam Al-Hussein (as), petit-fils du Prophète Mouhammad (saw), eut lieu en terre irakienne de Karbala quand- déjà !-  les citoyens du plus vaste Empire noir pratiquaient leurs devoirs religieux dans des mosquées.

Certes, nous ne disposons pas de pièces pouvant scientifiquement justifier la présence de 12 mosquées sur le sol du Mali de l’époque, et des esprits objecteurs pourraient même être amenés à contester la pertinence de l’affirmation du Cheikh Ahmad Baba. Mais la notoriété scientifique de ce savant émérite est désormais coulé dans du zinc, donc devenu inoxydable à travers les siècles qu’elle a traversés allègrement. D’éminents chercheurs connus pour leur rigueur scientifique et leur honnêteté intellectuelle ont, du reste, fouillé dans sa vie et dans son œuvre pour lui reconnaître le bien fondé de son statut de savant religieux.

Né Abou Al-Abbas Ahmad Ibn Ahmad Al-Takruri Al-Massufi le 26 octobre 1556 à Tombouctou (alors partie de l’Empire songhaï), Cheikh Ahmad Baba décède le 22 avril 1627 dans sa cité de naissance. En Afrique de l’ouest, il a laissé à la postérité l’image d’un savant et d’un homme de lettres qui a vigoureusement résisté à l’envahisseur ‘’saadien’’ (venant de l’actuel Maroc). C’est d’ailleurs en raison de sa vaste érudition dans les sciences islamiques et sa résistance intellectuelle et morale à la domination de l’étranger marocain que le Sultan Ahmad Al-Mansour du Maroc le fit capturer et le retint prisonnier durant 16 (seize) bonnes années au Maroc, avant de se résoudre à le relâcher et à l’autoriser à regagner son terroir de Tombouctou. Il y sera immortalisé puisque « Le Centre d’études des manuscrits du désert » à Tombouctou porte son nom depuis sa création en 1970 par le gouvernement malien avec l’aide de l’Unesco (sur financement qatari), lequel Centre sera rebaptisé CDRAB (Centre de Documentation et de Recherches Ahmad Baba). Ce financement qatari de départ explique peut-être, avec le recul, le déferlement des djihadistes (wahhabites, salafistes et autres narcotrafiquants emmitouflés dans la toge islamique) qui s’étaient emparés du nord du Mali actuel en 2012 et qui y avaient perpétré, entre autres crimes impardonnables, celui d’incendier les manuscrits du CDRAB recelant d’immenses trésors islamiques, dont des traces évidentes de la présence de la noble doctrine religieuse des Imams AhloulBaït (as) dans cette partie du monde. On comprend là toute la portée de l’affirmation tardive du Cheikh Amadou Hampâté Ba, grand théologien de l’Ordre Tijani et célèbre traditionniste africain et écrivain malien de langue française ayant officié à l’Unesco : « Les musulmans d’Afrique sont tous des chiites partisans de la famille du Prophète, même s’ils n’en sont pas conscients… ».

On dispose malheureusement de peu de données sur le profil physique de Cheikh Ahmad Baba.  A notre connaissance, il existe tout de même à l’Institut français de Bamako un manuscrit (traduit en français) d’un de ses disciples affirmant que son Maître  « n’était pas un Sudan », c’est-à-dire un Noir. Sans être le seul savant connu de Tombouctou, loin s’en faut, Ahmad Baba occupe quand-même une place de choix dans le peloton des hommes de sciences de l’antique cité Tombouctou. Quelques 333 saints y ont été répertoriés, qui ont donné à Tombouctou son nom de « Cité des 333 saints ». Plusieurs des mausolées de ces saints ont résisté au temps, et certains ont même été les cibles de la sauvage barbarie obscurantiste des djihadistes qui ont déferlé sur le nord du Mali actuel en 2012.

On remarquera aisément que de tous les saints et hommes de sciences qui ont fait la gloire de Tombouctou, notamment grâce au rayonnement culturel international de son Université de Sankoré, presqu’aucun d’eux n’a porté un nom de « Sahabas ». Et pourtant, les recherches les plus minutieuses ont parfaitement établi qu’ils venaient tous de très loin, d’horizons différents, d’Arabie, du Yémen, d’Egypte, d’Andalousie, du Pakistan, etc. Ce qui atteste que les premiers Arabes de l’espace musulman ayant eu des contacts avec les Maliens de l’époque étaient plutôt chiites, adeptes des enseignements précieux des Imams Ahloul Baït (as).

A ce propos, Son Excellence Sharif Mohammadi, ancien Ambassadeur de la République islamique d’Iran au Mali, lui-même d’ascendance chérifienne (Sayyid Moussawi), avait entrepris, en musulman averti quand il était en poste à Bamako, quelques recherches bien ciblées à travers les manuscrits du CDRAB et avaient obtenu des preuves tangibles de la présence ancienne de l’Islam chiite en cette terre. La fin de son mandat au Mali donna malheureusement un coup d’arrêt à ses investigations

 

 

Mais il convient d’abord- et déjà- de s’entendre sur le Mali historique dont il s’agit. Les historiens ont relevé que c’est du Maghreb que les Almoravides, disciples berbères d’Ibn Yacin, se sont lancés à la conquête du premier grand empire noir connu, le Ghana, qu’ils détruisent en convertissant à l’Islam ses populations Sarakollé, Toucouleur et Soninké. C’est sur les ruines de cet empire que se constitue l’empire du Mali qui couvre une partie de la vallée du Haut Niger et dont un souverain, le dixième, Kankou Moussa, fait au XIVème siècle un pèlerinage fastueux à la Mecque. Attaqué de toutes parts, notamment par les Mossi et les Bambara que l’Islam n’avait pas atteints, le Mali s’effondre peu à peu, laissant la place à l’empire des Songhaï qu’il avait soumis au XIIIème siècle. Cet empire songhaï connaîtra un rayonnement fulgurant, en particulier sous le règne de son véritable fondateur, le Roi Sonni Ali Ber (1464-1492), qui reste dans l’histoire comme un défenseur des formes africaines de religion et considéré à ce titre comme un grand roi-magicien. Son successeur, Askia Mohammed, sera tout autant célèbre, en particulier grâce au pèlerinage qu’il effectua à la Mecque d’où il revient chargé  de la mission de propager davantage la religion musulmane au pays des noirs, par le calife régnant aux lieux saints.

Le Ghana, premier grand empire noir connu, qui fera place au Mali et au Songhaï, n’a pas été un pays équivalent au territoire du Mali actuel. Le Ghana original, ancestral, appelé aussi Waga Dugu (qui signifie le « Pays des Nobles ») et qui continue à être chanté par les griots, était en effet situé sur un territoire débordant largementle Mali actuel. Il englobait une partie de la Mauritanie, du Niger, de l’Algérie, du Sénégal, de la Guinée-Conakry, de la Côte d’Ivoire, etc., soit deux bons tiers de toute l’Afrique de l’Ouest. Mais la Gold Coast ne faisait pas partie de cet ensemble, et c’est pourtant elle qui, à l’indépendance, portera fièrement le nom de Ghana en souvenir justement du fier grand empire des Noirs !

En somme, le Mali ancien, c’est le Ghana originel élargi au Songhaï. C’était une Fédération qui porta le nom de Fédération du Mandé, société politique négro-africaine alors plus étendue que toute l’Europe occidentale. Sa formation a commencé dès le III ème siècle avant l’ère chrétienne, d’abord sous la forme du Waga Dugu (Pays des Nobles), puis sous celle du Mandé. C’est le dixième souverain de cette Fédération, Mansa Moussa ou Kankou Moussa, qui fera, probablement en l’an 1324, le pèlerinage le plus fastueux et le plus dispendieux de toute l’histoire des musulmans.

C’est donc avec une fierté non dissimulée que des historiens africains, et à leur suite des historiens du monde entier, rapportent l’anecdote suivante : lors de son pèlerinage à la Mecque, Mansa Moussa, souverain à la générosité légendaire,  offrit 5000 ‘’mikhtal’’ au Sultan du Caire. Ce qui représentait déjà une immense fortune pour ce dignitaire arabe. Or, du temps de Mansa Souleymane, successeur de Mansa Moussa,  certains hauts fonctionnaires du Mandé recevaient une rémunération annuelle de l’ordre de 50.000 ‘’mikhtal’’, soit 10 fois plus que le "petit jeton" qui fit pâlir d’envie le pauvre Sultan cairote...

Par cette anecdote qui a la vie dure, on voit à quel point l’Afrique occidentale de l’époque était riche. Mais surtout, on note que cette prodigieuse richesse du Mandé était exprimée dans sa propre monnaie nationale. En effet, le ‘’mikhtal’’ était un étalon monétaire or, qui relevait du monopole de l’Etat du  Mandé,  l’un des premiers producteurs d’or du monde à l’époque, qui contrôlait (indirectement), grâce à ses réserves en or, la masse monétaire des Etats méditerranéens  d’Afrique aussi bien que d’Europe, dont les capacités monétaires dépendaient de leur approvisionnement en or par le "Mali"...

On comprend aussi pourquoi, des siècles bien plus tard, Nixon, alors Président des Etats-Unis d’Amérique, va rompre la convertibilité or du dollar US pour ne pas faire dépendre les capacités monétaires des Etats-Unis de son accessibilité aux réserves mondiales d’or. On comprend  tout autant pourquoi toute la politique étrangère étatsunienne est stratégiquement surdéterminée par leur dépendance énergétique aux réserves mondiales d’hydrocarbures.

Et encore un mot sur le prestige de ce Mali d’antan. Mansa Souleymane, qui  succéda à Mansa Moussa, a financé plusieurs œuvres grandioses de souveraineté, notamment la première armée de métier du Mandé : 100 000 hommes payés et entraînés spécialement pour défendre un pays plus vaste que toute l’Europe, une armée qui comptait dans ses rangs pas moins de 40.000 « So Fà » (soldats de métier). Soit, au moins, autant de chevaux pour une aussi nombreuse cavalerie, qu’il fallait nourrir,  soigner,  entretenir. Bref, au temps de Mansa Souleymane, les prodigieuses ressources naturelles du Mandé étaient protégées contre la convoitise des pillards étrangers par une ARMEE NATIONALE nombreuse, bien équipée, très organisée ; et probablement l’une des plus puissantes au monde de l’époque...

On connaît dans les détails les rapports que l’empire africain d’Abyssinie a entretenus avec l’Islam des premiers temps et l’hospitalité légendaire que son Roi  Nadjachi  a offerte aux premiers exilés musulmans persécutés, dont Ja’afar (le frère de l’Imam Ali), du vivant même du noble Prophète (saw). D’une manière ou d’une autre, l’Afrique était plus ou moins connue des Arabes. Ainsi, on peut raisonnablement penser que le Ghana, le Mali, le Songhaï, si loin des terres d’Arabie, étaient connus des Arabes en tant qu’Etats organisés. Or, on sait tout autant qu’à la mort du noble Prophète  Mouhammad (saw), sa sainte famille a été, du fait même de ses propres proches compagnons, soumise à des persécutions, emprisonnements et assassinats tellement fréquents et répétés qu’on en reste encore le souffle coupé ! Ainsi, beaucoup de membres de cette distinguée famille prophétique, ces Charif ou Chérifs, comme on les appelle en Afrique noire (Sayyid sous d’autres cieux), pour avoir la vie sauve et protéger leur religion, ont dû fuir les terres d’Arabie pour se réfugier dans des contrées très lointaines, en Perse et en Afrique noire notamment. Le cas du Chérif Moulaye  Idriss, fondateur du Royaume chérifien du Maroc, est illustratif à plus d’un titre.

Il va de soi que le Mali de l’époque ait eu aussi à recevoir sur son sol plusieurs des descendants du noble Prophète   Mouhammad (saw) cherchant à sauver leurs vies et leur religion par la fuite dans le lointain. L’existence de plusieurs familles chérifiennes à Tombouctou, Nioro, Banamba, Djenné, Nara, etc.,suffit comme preuve de l’arrivée massive des nobles descendants du dernier Messager d’Allah dans les contrées souvent très reculées de l’Afrique noire. D’ailleurs, les marques de respect et d’amour des Noirs à l’endroit de ces Chérif étrangers demeurent le signe le plus probant que les Africains ont toujours mis les descendants du Prophète (saw) au dessus de toutes les autres lignées et généalogies humaines. La démonstration est facile à établir dans la vie civile comme dans la littérature.

Dans la vie civile, pour ne citer qu’un cas, nous remonterons au XVIIIème siècle, dans le royaume bambara de Ségou. Charif  Ismaïl est bien connu dans l’histoire du Soudan occidental. D’ascendance chérifienne, il est venu du Maroc pour faire la « dawa » au pays des Noirs. Il arrive à Ségou au temps du Roi païen Dâ Monzon Diarra. Son statut de Chérif est naturellement pour lui une couverture commode pour avoir droit de facto à tous les honneurs. Le Roi bambara, comme tous les Africains croyants ou non de son époque, tient en haute estime le Chérif, descendant du Prophète des musulmans. Un pacte d’alliance est vite établi entre les deux personnalités : le Chérif se doit de respecter la chefferie africaine et le Roi, en guise de reconnaissance de la spécificité du Chérif, doit lui remettre tous ses futurs prisonniers de guerre afin qu’il les éduque à la religion musulmane. Le pacte fonctionna si merveilleusement que le Roi Dâ Monzon Diarra finit par donner en mariage au Chérif sa propre fille Niéba Diarra, acte qui favorisa beaucoup l’expansion de l’Islam en pays bambara et son acceptation en Afrique.

La chronique dont les griots sont dépositaires à Ségou indique que Charif Ismaïl est né de Mohammed Jannekhi, lui-même né de Mohammad Arak de Bagdad dont la généalogie remonte au quatrième Imam chiite, Ali Ibn Hussein Zaynoul Âbidine. Notons au passage que l’actuel leader de la communauté chiite du Mali, le jeune Sayyid Mohammed Bayaya  Haïdara dit Chouala, est issu de cette lignée de Charif Ismaïl. Bon sang ne ment jamais !

Dans la littérature moderne malienne, nous trouvons un fait historique rapporté par le célèbre Amadou Hampâté  Ba, qui est aussi Cheikh de l’Ordre Tijani. En effet, dans son livre intitulé « Vie et enseignement de Thierno Bocar, le sage de Bandiagara » édité en 1981, l’écrivain mentionne dans son récit une anecdote relative à la vie du savant nigerian de Sokoto, El Hadj Seydou Han, grand Cheikh haoussa de la Tariqa Tijani qu’El Hadj Omar avait emmené avec lui, anecdote qui en dit long sur le respect quasi viscéral que les Africains vouent aux descendants du Prophète Mouhammad (saw). La voici :

« A l’arrivée d’El Hadj Omar, Ségou devint officiellement ville d’Islam, mais son âme n’avait pas changé pour autant ; elle était demeurée la Ségou d’autrefois.

Arrivé à Ségou, El Hadj Seydou Hann s’y établit avec sa famille. Sans rien changer de sa vie toute simple, il ouvrit une école et distribua un pieux et savant enseignement. C’est à lui qu’El Hadj Omar confia ‘’l’Esprit de la cité’’, c’est-à-dire la direction morale et spirituelle de la ville.

Seydou Hann accrut le prestige de sa famille en épousant, en secondes noces, une descendante du Prophète : une ‘’chérifat’’. L’anecdote délicieuse que l’on raconte à propos de cette jeune chérifat illustre mieux qu’un long développement le comportement du brave Seydou Hann, que l’on avait surnommé ‘’le pieux Haoussa’’.

Sa maison, qui était tenue par ses deux épouses- la première, une fille d’Ousman Dan Fodio (Cheikh de l’Ordre Qadri, fondateur de l’Empire musulman peul de Sokoto) et la seconde, la jeune chérifat-, n’était pas à l’abri des orages de la jalousie féminine, mais la soumission de Seydou Hann et de sa première  épouse aux desseins de Dieu atténuait les éclats de ces tourmentes.

Un certain jour, le maître de maison, ayant acquis deux génisses, les présenta à ses femmes. Il dit à la chérifat :

-        Choisis la génisse qui te plaît. Celle qui ne te conviendra pas sera la propriété de Inna, ta sœur. Tu es chérifat, tu mérites donc cette préférence.

La génisse que la chérifat avait élue grandit, mit bas un veau et donna un lait rare et maigre alors que la vache d’Inna mit bas une belle génisse et fut une merveilleuse laitière. La seconde épouse, rongée par la jalousie, insensible aux gentillesses de  Inna, récriminait sans cesse et réclamait un nouveau partage. Et pendant trois mois, dit l’histoire, Seydou Hann souffrit dans sa maison les tourments de l’enfer.

Un soir, à l’appel de la prière, il sortait de son vestibule quand la chérifat se mit en travers de sa porte :

-        Tu n’iras pas à la mosquée, lui dit-elle, si tu n’as pas auparavant résolu le problème  de nos vaches. Recommence la distribution et si tu ne veux pas me faire justice, renvoie-moi dans ma famille !

Seydou Hann, sans se départir de son calme inaltérable, répondit :

-        En vérité, tes deux propositions sont également impossibles à envisager. En procédant à une nouvelle distribution, je violerais le droit. Ce sont tes mains qui ont choisi, elles seules sont responsables. En toute justice, tu aurais dû choisir la dernière. C’est par respect pour le nom du Prophète que tu as eu le pas sur Inna. Je ne peux recommencer aujourd’hui un partage qui ne laisserait aucune place au hasard

Il s’arrêta un instant avant de passer à l’examen de la deuxième proposition ; et nous imaginons sans peine le sourire malicieux  qui dut fleurir sur ses lèvres :

-        En te renvoyant chez toi, dit-il, je me priverais d’un motif de chagrin et de souci. Or, pour gagner le ciel, je dois souffrir dans ma maison et je préfère que ce soit de la main d’une descendante du Prophète. Celui-ci ne sera-t-il pas, ainsi, quelque peu tenu d’intercéder pour moi ?

Cela dit, il passa la porte et s’en fut prier. Mais avant de quitter le seuil de la maison, il se retourna :

-        Vois-tu, je te conseille de t’entendre avec Inna. Si elle accepte de te vendre sa génisse et sa vache, je les paierai pour toi.

Inna, qui se tenait dans l’ombre de sa case, avait tout entendu. Lorsque son époux revint de la prière, il la trouva qui l’attendait :

-        J’ai tout entendu de ta conversation avec la chérifat, dit-elle. En vérité, je te trouve bien audacieux.

-        Pourquoi dis-tu cela ? Tu sais que je ne saurais me rendre coupable d’une injustice.

-        Et qu’a à faire la justice dans un débat où il s’agit de la semence du Prophète ? s’écria-t-elle. Je ne cherchais qu’une occasion de plaire à Dieu et à son Apôtre.  Puisque  l’une de ses petites filles  veut ma vache, je jette dans l’écuelle du Prophète et la vache, et sa petite génisse, et l’enfant qui les sert. Si je n’étais pas mariée, je m’y jetterais moi-même !... »

 

Voilà pour cette anecdote qui nous semble plus expressive que toutes les poésies du monde pour exprimer l’amour profond des Africains pour le Prophète!

Il est à noter que les Rois du Ghana et du Mali ancien ayant accepté l’Islam, ainsi que la quasi-totalité des musulmans de l’époque, portent tous des noms de prophète et des membres de la famille prophétique comme Mohammed, Moussa, Souleymane, Ali, Abbass, etc. Les noms des compagnons du Prophète, les « Sahaba », tels Oumar, Ousman, Aboubacar, etc., n’ont commencé à proliférer en Afrique noire que seulement à partir du XVIIIème siècle avec l’arrivée des différentes Tariqas soufies comme la Qadriya et la Tijaniya.

Dans cette foulée, il est tout autant significatif de souligner que les descendants du noble Prophète (saw) sont ici légion, nous l’avons déjà dit,  connus sous le nom de familles ''Haïdara'' qui est un nom tiré des louanges de Fatimata Bint Assad, honorable mère de l'Imam Ali (as), à l’adresse de son glorieux fils : nous les appelons les ''Chérifs'' comme les Orientaux les appellent les ''Sayyid''. Ces Chérifs ont laissé leurs prénoms à plus d’un. Ainsi, du prénom Mouhammad, on compte plusieurs dérivés  comme Mamadou, Mahamadoun, Mahamady, Mahamoud, Mady, Mahalmady, Madou, Mohamedi, etc. Le prénom de l’Imam Ali a ses dérivés : Aliyou, Badra Ali (référence à Ali, le héro de la bataille de Badr), Ali Badra, Aliyoun, etc. Quant à la noble fille du Prophète, Fâtimatou, son prénom a été décliné de différentes manières aussi : Fatimah, Fanta, Fatou, Fati, Fatim, Tim-Tim,  Bintou (référence à Fâtimatou Bint Mouhammad), Oumou (référence à Oumîl Abi), etc. De Al-Hassan, on retiendra les dérivés : Alhassan, Alassane, Lassina, Lansana,Lassiné,Lancéni, etc. Quant à l’Imam Al-Hussein, son prénom sera différemment prononcé en Afrique : Alhousseyni, Alousséni, Loncéni, Fousseyni, etc. Du prénom Khadidja, nous aurons : Kadidjatou, Kadja, Kadiatou, Kady, Kariatou, Katou, etc. Aminata, le prénom de la vénérable mère du noble Prophète se déclinera aussi différemment selon les accents linguistiques africains : Ami, Aminah, Minata, Aminety, Mimi, Aminatou,  etc. Quant au vénérable père du noble Prophète, son prénom Abdallah se prononcera : Aboudoulahi, Abdoulaye, Ablaye, Broulaye, etc. On peut multiplier les exemples.

Un élément des plus matériels vient même corroborer l’antériorité de l’Islam chiite au Mali. Dans le Sahel occidental malien, on trouve en effet dans l’Arrondissement de Balé un village dont le nom est « Dina ». De mémoire de citoyens anciens, ce nom signifierai tout simplement « Al Dîn » (la religion), appellation que des émigrants arabes ont donnée au site sur lequel ils se sont installés après de longues tribulations qui les ont hasardeusement conduits sur cette partie d’Afrique dont le sable rappelait quelque peu celui de l’Arabie. Dans ce village de « Dina », il existe d’ailleurs un vieux cimetière où les épitaphes indiquent clairement sur les tombeaux des noms et prénoms arabes, comme pour signifier que « là sont enterrés les premiers Arabes arrivés ici ». Contrairement aux tombeaux africains sans épitaphe de l’époque, ceux de ce cimetière particulier sont grands et larges, preuve supplémentaire que cette façon d’enterrer était bien nouvelle dans la zone.

L’histoire raconte que c’est dans ce cimetière que le Cheikh Mohammed Abdoulaye Souadou, le plus grand poète malien de langue arabe ayant chanté les éloges du noble Prophète (saw), un panégyriste hors pair de la grandeur mohammadienne dont les vers restent à ce jour inégalés, venaient régulièrement, tous les après-midi, se recueillir auprès de la tombe d’un Chérif descendant du Prophète (saw), tombe à côté de laquelle  a poussé un arbuste qui existe toujours, comme pour apporter une fraîcheur éternelle au   sommeil de son noble habitant. On dit que  la baraka, qui émanait sans cesse de la sépulture bénie du descendant chérifien, nourrissait l’inspiration poétique du Cheikh Mohammed Abdoulaye Souadou. Celui-ci n’aura qu’une fille à qui il donna le nom de Fâtimatou-Zahra (as) mais qu’il se plaisait à appeler Oumîl Abi, la joie de son cœur. Les populations locales ne retiendront finalement de l’expression Oumîl Abi que le nom Oumou et, par respect, Bâ Oumou, c’est-à-dire notre « Mère Oumou », ou Oumou Dily (Oumou de la cité de Dily).

Bâ Oumou épousera un pieux peulh, Modibo, de la famille des Kane Diallo et elle donnera naissance à une prestigieuse lignée de grands marabouts dont la renommée a été bien au-delà du Sahel occidental malien. Le plus célèbre d’entre eux est son premier fils Sidi Modibo Kane Diallo dont les connaissances ésotériques islamiques ont été même sollicitées jusqu’en Occident. Et c’est ce même Sidi Modibo Kane Diallo qui a préparé et autorisé le Cheikh Abba Ali Diallo à aborder avec sagesse et science le nouvel étendard islamique levé en Iran en 1979 par un certain Ayatollah Khomeyni, étendard  qui  lui apparaissait à bien des égards comme le fanion originel de l’Islam. Cheikh Abba Ali Diallo porte aujourd’hui, fort heureusement, le message des Ahloul Bayt (as) avec une admirable dévotion. Hommage soit rendu à Cheikh Sidi Modibo Kane Diallo !

Les Cheikh de la localité, qui sont des gens suffisamment avertis des textes religieux, ont vite fait une déduction : Bâ Oumou est le « Al-Kawthar » local comme Fâtimatou  Bint  Mouhmmad  est le « Al-Kawthar » universel grâce à la lignée sanctifiée des Ahloul Bayt (as) issus d’elle !

Bâ Oumou repose dans l’enceinte familiale à Dily (cercle de Nara). Sa sépulture est l’objet d’une vénération particulière et est régulièrement honorée par la visite des gens qui viennent de toutes les contrées du monde. Bien de miracles se sont produits par l’évocation de son intercession. Par exemple, chaque fois qu’un couple n’a pas le bonheur d’avoir un enfant, il se déplace à Dily et, face à la tombe de Bâ Oumou,  invoque Allah. Alors, très généralement, le couple est béni par une heureuse naissance. Le nouvel enfant, s’il est un garçon, prend le nom de Modibo (mari de la sainte Bâ Oumou) et s’il est une fille, prend tout simplement le nom Oumou (qui rime avec Zahra dans la croyance populaire).

Parmi les nombreuses routes menant à Tombouctou, il y a celle qui passe par Hombori, cité musulmane depuis des siècles. Or, celle-ci connaît dans son relief une montagne possédant un pic. Pour les populations croyantes de la zone, ce pic est tout simplement la main levée vers Allah de Fâtimah, fille du noble Prophète (saw). On l’appelle tout simplement, avec une profonde vénération, « La Main de Fâtimah ».

Mentionnons une évidence vieille de plusieurs siècles. Elle a été relevée par le Cheikh Amadou Hampâté Ba cité plus haut. C’est que, dans un terroir appelé « Hawd » situé à la frontière entre les Etats actuels du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie, Etats ayant anciennement constitué le territoire du Ghana et de l’empire du Mali, les populations ont une curieuse imprécation dont nul ne connaissait l’origine jusqu’à la victoire de la Révolution islamique iranienne en 1979 qui a permis de dépoussiérer la vraie histoire de l’Achoura.

En effet, chaque fois que les gens du « Hawd » sont importunés, voire chagrinés par   et  qu’ils veulent le maudire d’une malédiction certaine, ils lancent contre lui : « Celui-là est maudit comme Yazid ! » ou « Que la malédiction qui suit Yazid frappe aussi un tel !» ou « soit sur un tel ». Ou encore tout simplement l’exclamation : « Maudit comme Yazid ! ». C’est donc avec la victoire de la Révolution islamique iranienne que, peu à peu, de nombreux musulmans en Afrique ont commencé à comprendre que Yazid est l’éternel maudit pour avoir été le commanditaire de l’odieux assassinat de l’Imam Al-Hussein à Karbala en l’an 61 de l’Hégire. Le sens de l’imprécation des gens du « Hawd » retrouve ainsi tout son sens originel et toute sa charge de malédiction. Et c’est le lieu de rappeler la parole prophétique : «  Je serai en paix avec quiconque aura été en paix avec Al-Hussein, et je serai en guerre contre quiconque aura été en guerre contre lui ». Témoignage sans ambiguïté de l’amour pour l’ensemble des Ahloul Bayt (as(

 

Amadou Diallo

Directeur de l'Agence DJANNATOU AHLIL BAYT (Communication et Services de l'Islam(

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